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CinemaÉcransLa Quotidienne

La petite dernière : un film actuel, vibrant et nécessaire

Johan | 27 octobre 2025

Alors Lionel, je dois t’avouer que ce soir j’avais un préjugé positif sur le film. Et ce, pour plusieurs raisons. Déjà ce long métrage s’appelle la petite dernière et j’avoue que c’est une expression que j’ai un peu trop utilisé lors de ma vie étudiante … bon en fait trop utilisée dans ma vie tout court. Tu connais un peu : Allez la petite dernière (au choix pinte / cannette / chartreuse / tequila / etc) et je pars. Bref le film semblait toucher une de mes cordes sensibles.

La deuxième raison – je te rassure – est davantage cinématographique : la réalisatrice de ce film est l’actrice Hafsia Hersi et c’est tout simplement pour moi une des artistes les plus à suivre en ce moment. Son aura, cette forme de mystère à la Isabelle Huppert dans son regard et plus prosaïquement le choix de ses rôles font d’elle une artiste à part. Tu as pu l’admirer dans des films comme La graine et le mulet, l’Appolonide et dernièrement Borgo ou la prisonnière de Bordeaux. En dehors de toute chapelle, de tout compagnonnage, elle semble tracer sa route par la force de son seul instinct et de son talent. C’est pas ambiance Adele Exarchopoulos ou Leila Bekthi actrices super sympas au demeurant mais qui semblent toujours jouer avec un peu avec le même bande. Bref elle marche un peu en solitaire avec des choix artistiques forts, je la trouve admirable .
La Petite Dernière raconte l’histoire de Fatima, 17 ans, benjamine d’une famille d’origine algérienne installée en banlieue parisienne. Élève brillante mais taiseuse, elle va partir étudier la philosophie à Paris. Là, entre foi, désir et quête de liberté, elle cherche à trouver sa place et à s’aimer telle qu’elle est. Dis autrement, cette nouvelle vie va confirmer qu’elle préfère les femmes aux hommes, situation problématique car contraire à son éducation et à sa religion. Adapté du roman autobiographique de Fatima Daas, publié en 2020 , La petite dernière a été Présenté au Festival de Cannes 2025, lors duquel il a remporté la Queer Palm ainsi que le Prix d’interprétation féminine décerné à Nadia Melliti, l’actrice qui joue Fatima.

Le film a de nombreux atouts, déjà son côté actuel et réaliste. Le film dépeint avec beaucoup d’humanité, de sincérité, et surtout sans caricature les différents milieux qu’il aborde : la vie en banlieue avec ses bons côtés : sa diversité, sa solidarité mais aussi ses points de friction, notamment la culture très masculiniste ou cette espèce de contrôle social ou chacun doit suivre la norme qui lui ait assigné. Autre milieu décrit, celui de la vie étudiante à Paris et notamment de l’indépendance qu’il induit. Enfin dernier espace ouvert par le film, celui du milieu lesbien parisien que Fatima va découvrir progressivement à travers ses lieux de fêtes. Et banco tous ces univers sonnent justes et sans jugement de la part de la réalisatrice.

D’ailleurs la mise en scène très sobre, maitrisée, renforce ce côté véridique et sincère de la petite dernière. Le film arrive toujours à captiver grâce à la variété des situations : scènes de fête, discussions familiales, vie quotidienne à l’école ou à l’université. Le film avance et ne lasse pas. Alors que la tension du film joue sur un ressort principal : va t’elle assumer son homosexualité avec ,en question miroir, va t’elle être exclue de son milieu d’origine ; la richesse du récit et de ses personnages secondaire nous entraine toujours sans aucune sensation de surplace.

C’est l’autre point fort du film : son thème principal traite avec subtilité d’une réalité trop peu visible aujourd’hui. Comment être homosexuel et croyant quand toutes les principales religions voient dans l’homosexualité une déviance. Ainsi le film montre bien comment plusieurs composantes structurelles se superposent pour former une chape de culpabilité et de honte sur Fatima : ici la religion, la famille et les copains de banlieue. L’homosexualité est soit tue (ça n’existe pas ici) soit elle est considérée publiquement comme déviante et implique moqueries et violences… Comment survivre à ces oppositions que l’on a intériorisées ? Je te laisse le plaisir de voir le cheminement et l’émancipation de Fatima et bonne nouvelle sous la chape de plomb de la honte, il y a de l’espoir.

La petite dernière est totalement réussi par rapport à son sujet et à la manière de le filmer. Après tout n’est pas parfait, la mise en scène pourrait être plus ample et ambitieuse, quelques scènes sont parfois un peu maladroites mais cela reste anecdotique au regard de l’intelligence et de l’émotion délivré par le film. Par ailleurs, montrer à l’écran, une personne homosexuelle et profondément croyante est un acte fort et puissant dans un monde qui vire si rapidement dans le simplisme ou l’hypocrisie. Big up aux religions ou aux pays ou soi-disant l’homosexualité n’existe pas ! La petite dernière est un film maitrisé, intelligent, et on espère pour Hafsa Hersi que cette réussite se prolonge d’autres films et ne soit pas la petite dernière.


Chronique : Johan
 Animation : Lionel
 Réalisation : Léo, Alexis, Bryce, Anahi, Chloé
Crédits photo : June-films-Katuh-studio-Arte-France-mk2films
 Première diffusion antenne : 23 octobre 2025
 Publié le 27 octobre 2025

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