High School Radical: périple au coeur du trumpisme
Adolescente, je rêvais de partir faire mes études aux États-Unis. En même temps on a été bercés par le rêve américain. Dans notre imaginaire des années 2000, les high schools, c’était casiers métalliques, cheerleaders et Chad Michael Murray assis à côté de toi en chimie…
Imaginez. Vous avez 16 ans, vous partez pour une année d’échange à l’étranger pour vivre votre rêve. Et ça se passe comme prévu. Vous vous faites plein de potes, vous vous goinfrez de donuts, vous allez voir des matchs de foot américain… Bref, Les Frères Scott, mais dans la vraie vie.
C’est ce qu’il s’est passé pour Max Laulom, auteur de la mini-série documentaire High School Radical diffusée sur Arte.
En 2014, il a 16 ans et part pour une année d’échange aux États-Unis. Sauf que lui pensait arriver à New York… mais se retrouve à Owasso, petite ville d’Oklahoma de 40’000 habitants. Pas grave, il s’acclimate parfaitement et vit ce qu’il décrit comme la meilleure année de sa vie. Il filme tout avec sa GoPro – très à la mode à l’époque –, mais ne fait rien de ces images pendant des années. 2015, c’est le retour en France et Max quitte des amis qu’il pense s’être faits pour la vie. Quelques mois plus tard, Donald Trump annonce sa candidature aux élections américaines. Au départ perçu comme une immense farce de notre côté de l’Atlantique, Max constate que ses amis de lycée soutiennent le milliardaire avec de plus en plus de ferveur.
Dix ans après, nous sommes à la veille d’une nouvelle élection présidentielle, opposant Donald Trump à Kamala Harris. En octobre 2024, Max retourne passer ce dernier mois de campagne à Owasso avec une question: tous ses anciens amis sont-ils devenus trumpistes?
Le choc ne vient pas tout de suite. Il retrouve sa famille d’accueil comme s’il ne les avait jamais quittés. Rien ne semble avoir changé: les bâtiments, le lycée, les quartiers… Petite différence tout de même, il y a un nombre conséquent de pancartes pro Trump dans les jardins. Là-bas, on ne se contente pas d’en mettre une. On en met une bonne douzaine, histoire d’être sûr de faire passer le message.
Armé de son iPhone, Max nous plonge dans le cœur de l’Amérique. Cinnamon rolls géants au fast-food, matchs de foot, karaoké dans des bars country. Il nous emmène même aux meetings des deux candidats pour comparer les ambiances.
À son arrivée, il reçoit un SMS… de Donald Trump en personne: «Tu es aimé, Max». Premier moment lunaire de ce documentaire.
En réalité, ce sont des SMS de campagne, envoyés aux personnes inscrites sur la newsletter politique du candidat. Sur l’écran, le nom Donald J. Trump, sa photo et des messages en majuscules comme il en a l’art: «Biden vient de te traiter d’ordure», «Tu es ma priorité n°1» ou même simplement «Je t’aime». Une stratégie simple: créer l’illusion d’un lien individuel et privilégié. C’est comme si on recevait tous les matins un petit message avec des mots doux de Karin Keller-Sutter.
À chaque entretien, il installe un petit jeu: il demande à la personne de fermer les yeux, et en les rouvrant, de choisir une casquette. Trump ou Harris. Presque à chaque fois, c’est la rouge qui est préférée.
Mais Max n’interviewe pas seulement ses anciens camarades. Il retourne voir des adultes qu’il avait connus à 16 ans: des parents, des voisins ou figures locales, comme le présentateur météo star de l’Oklahoma, Travis Mayer. Il s’intéresse aussi à des inconnus rencontrés au fil du voyage. Peu à peu, il recompose la mosaïque d’un pays complètement fracturé.
Une amie l’invite au stand de tir comme activité du dimanche. Là-bas, un adolescent vide son chargeur sur une cible en marmonnant des propos haineux. Un pasteur lui explique qu’il se prépare à la guerre civile en s’armant. Christy, une amie de la famille affirme carrément que ce n’est autre que Satan qui pousse les chrétiens à faire des choses contre la Bible. Toutes ces personnes décrivent un système économique qui les broie, mais votent pour celui qui le défend le plus. Elles répètent aussi vouloir protéger leur famille. De quoi? Ce n’est jamais très clair.
Et puis il y a celles et ceux qui sont terrorisés. Parce qu’ils craignent pour leurs droits, voire pour leur vie. La peur est partout, la peur de l’autre surtout, à laquelle on répond toujours par la violence.
Dire que tous ces gens étaient amis à 16 ans. C’est aussi ça que raconte High School Radical: la désillusion de l’âge adulte.
Ce documentaire se regarde d’une traite, presque comme un vlog YouTube. C’est très rythmé avec une bonne touche d’humour et d’autodérision, ce qui allège un sujet pourtant assez lourd. High School Radical, c’est un documentaire qui écoute. Max Laulom montre des points de vue qu’il ne comprend pas toujours, mais qu’il ne tourne jamais en ridicule. Et ça, aujourd’hui, c’est assez rare pour être souligné. Il y a un constat qui traverse toute la série et que j’ai trouvé particulièrement frappant: la majorité de ces gens consomment des médias avec lesquels ils sont systématiquement d’accord. Et forcément, quand on ne fait qu’entendre ce qu’on croit déjà, les clivages se creusent, jusqu’à nous rendre ennemis.
Alors non, je n’ai pas changé d’avis en regardant ce documentaire – ce n’est d’ailleurs pas du tout son objectif.
Mais dans un monde qui se polarise un peu plus chaque jour, dialoguer, c’est peut-être déjà résister.
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Chronique : Judith
Animation : Lionel
Réalisation : Noé
Crédit photos : ARTE France, Les Bons Clients, Studio POV
Première diffusion antenne : 9 décembre 2025
Publié le 14 décembre 2025
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