menu Home search
à la uneActuGood Morning VostokMusique

La musique doit-elle se mettre au vert ?

Emma | 13 novembre 2025

La musique adoucit les mœurs… mais pas forcément l’empreinte carbone. Entre tournées, streaming et vinyles, le monde musical commence à questionner ses pratiques pour concilier création et durabilité. Pour mieux comprendre l’impact écologique de cette industrie, nous avons rencontré différents acteurs et actrices du milieu, qui témoignent de leur conscience et de leurs initiatives face à ces enjeux.

Écologie et musique : un vrai sujet ?

Playlists dans le casque quand on prend le bus, retours en grâce des vinyles, tournées de festivals estivaux, plateformes de streaming qui se multiplient… La musique est partout, tout le temps et les manières de la consommer sont de plus en plus variées. Et si l’on se pose facilement la question de l’impact écologique de nos pratiques dans d’autres domaines de nos vies quotidiennes (alimentation, textile, déplacements…), il est plus rare de s’inquiéter des conséquences environnementales en ce qui concerne nos habitudes d’écoute. À tel point que l’on peut douter de la pertinence de la question et qu’associer art et durabilité peut sembler dérisoire au regard d’autres industries bien plus demandeuses en ressources.

Pourtant, Nicolas Donin, éco-musicologue à l’Université de Genève, le confirme : « Beaucoup d’aspects de la vie musicale ont des incidences écologiques. Ce qui est nouveau, c’est que le domaine académique, la recherche, la réflexion sur la musique essaie de comprendre ça ». Et cette question se pose aussi bien du côté des artistes que des consommateurs/consommatrices.

Oui l’industrie musicale a un impact sur l’environnement, mais est-il conséquent ? Les témoignages de Giancarlo Copetti, Nicolas Donin, Simone Aubert, Edmée Pasche, François Vé, Cédric Carle.

Contraintes et créativité

Nicolas Donin l’admet volontiers : la difficulté principale réside dans le fait d’aborder le sujet sans tomber dans la moralisation ni stigmatiser certaines pratiques, dans un milieu déjà fragile et précaire. « L’éco-musicologie vise donc plutôt à ouvrir la réflexion sur les nouvelles possibilités que les considérations environnementales peuvent offrir au sein du milieu musical » développe-til. Une vision partagée par Edmée Pasche, responsable durabilité à la Haute École de Musique (HEM) qui avance que la sensibilisation aux questions écologiques dans la musique proposée par l’école a un impact sur les choix artistiques des étudiants/étudiantes de la HEM.

Des problématiques qui ont déjà inspiré des artistes que nous avons rencontré et qui s’interrogent sur leurs propres pratique. Le musicien lausannois François Vé parcourt les routes suisses à vélo cargo équipé de panneaux solaires, transportant son matériel pour des concerts éco-responsables. De son côté, Cédric Carles nous explique chercher à allier fête et expériences écologiques avec le Solar Sound System, une installation pour DJ set alimentée par l’énergie solaire et le pédalage du public.

Le musicien lausannois François Vé devant son vélo cargo équipé de panneaux solaires.

Quelles pratiques pour quels impacts ?

S’il n’est pas question non plus de blâmer le public, Nicolas Donin rappelle tout de même : « la musique reste l’une des principales débouchées du streaming, une industrie extraordinairement consommatrice en énergie ».

Et si les critiques concernant les plateformes de streaming abondent ces derniers temps (rémunération des artistes trop faible, positionnements politiques ou encore utilisation abusive de l’intelligence artificielle), il est plus rare de se pencher sur sa demande en ressources. Giancarlo Copetti, de la Direction de la Durabilité et du Climat à Genève estime pour sa part que l’impact du streaming audio est moindre à celui du streaming vidéo mais que, pour une juste évaluation, l’ensemble de la chaîne de production et de la pratique serait à prendre en compte.

Mauvaise nouvelle pour les amateurs/amatrices de vinyles, côté support physique l’objet historique est très gourmand en énergie, en raison de sa matière première, le PVC. « Il faut considérer plusieurs aspects dans le choix et le vinyle a d’autres avantages quand on part sur des aspects plus sociaux », Giancarlo Copetti précise que malgré ces côtés négatifs, l’achat de vinyles ou de disques demeure toutefois le moyen le plus direct de rémunérer correctement les artistes.

Liens entre l’écologie et la musique : nous nous intéressons aux subventions avec Nicolas Donin, éco-musicologue à Genève, Simone Aubert musicienne et Sarah Margot, Responsable promotion, communication et durabilité pour le Service Culturel de la Ville de Genève.

Slow tournées

Des artistes qui rencontrent déjà des difficultés à vivre de leur pratique. Simone Aubert, musicienne genevoise, l’assène : « ce n’est pas la petite charge de dépense énergétique qui provient des artistes qui changera le monde », même si elle revendique qu’en tant que musicienne portant des convictions, elle souhaite être le plus exemplaire possible sur les questions de durabilité. Pour cela, elle s’efforce de limiter au maximum les vols en avion, de mutualiser les trajets routiers avec d’autres groupes et de proposer un régime végétarien aux membres de la tournée.
« Les efforts peuvent se faire à plusieurs niveaux, en rééquilibrant la question du transport, sinon il devient vraiment difficile d’envisager nos tournées autrement », explique-t-elle. Cette difficulté d’atténuer l’impact écologique des déplacements est confirmée par Nicolas Donin « il est évident que pour la plupart des artistes, prendre l’avion est une question de survie économique ». Simone Aubert, qui prépare actuellement une tournée en Inde avec son groupe Tout Bleu, propose une réflexion sur la question du temps. Elle cherche à aligner sa manière de voyager avec ses convictions : rester plus longtemps sur place, adopter un autre rythme pour créer du lien, développer des collaborations et favoriser de véritables rencontres interculturelles.

Le rôle des subventions

Simone Aubert le souligne également : en Suisse, la plupart des artistes dépendent des subventions publiques. Il devient donc pertinent de s’interroger sur la place que prennent les critères de durabilité dans l’attribution de ces fonds.
Selon Nicolas Donin, conditionner les aides à des exigences environnementales risque toutefois d’ajouter une charge supplémentaire aux artistes, déjà confrontés à la complexité des demandes de financement.
Sur ce point, Sarah Margot, responsable de la promotion, de la communication et de la durabilité au Service culturel de la Ville de Genève, se veut rassurante : la Ville encourage fortement la réduction de l’impact écologique des pratiques artistiques, mais il ne s’agit en aucun cas d’une obligation éliminatoire lors de l’attribution des subventions.

Au-delà des subventions accordées directement aux artistes, la Ville de Genève s’intéresse aussi à l’impact environnemental des événements. Elle réfléchit notamment à la manière de réduire les déplacements du public, qui représentent la part la plus importante de l’empreinte globale.

Concernant les domaines artistiques, Sarah Margot conclut : « le milieu culturel, les organisateurs, les artistes n’ont pas attendu nos démarches pour réfléchir à ces questions, c’est un milieu […] qui fait déjà des tests de bonnes pratiques et qui se pose des questions par rapport à son avenir. Le milieu culturel a déjà commencé sa transition. »

Pour aller plus loin :

Intervenant-es : Giancarlo Copetti de la Direction Durabilité et Climat à Genève, Nicolas Donin éco-musicologue à l’UniGE, Simone Aubert musicienne, Edmée Pasche adjointe à la direction de la HEM, François Vé musicien, Cédric Carles concepteur de Solar Sound System, Sarah Margot, responsable de la promotion, de la communication et de la durabilité au Service culturel de la Ville de Genève
Journalistes : Karine Pollien et Emma Thibert
Réalisateur : Léonard Blanc
Première diffusion antenne : 3 novembre 2025
Rédaction web : Emma
Crédits photo : Solar Sound System et Karine Pollien
Publié le 13 novembre 2025

Une publication de Emma


Envie de soutenir un média gratuit,
indépendant et local ?

Rejoins Vostok+


Commentaires

Pas encore de commentaire pour cet article.

Commenter




play_arrow thumb_up thumb_down
hd