Déambulation dans le programme immersif du GIFF
Il est dur ce début d’automne, non? Je sais pas vous, mais avec le froid, la pluie, et la nuit à seize heures, moi, j’ai la flemme.
Je n’ai pas envie de sortir, je ne veux pas faire de sport, même aller chercher mon courrier, c’est dur. Et à force de rien faire, je me sens un peu nulle… Alors je me suis secouée pour aller vivre des vies un peu plus passionnantes que la mienne au Geneva International Film Festival. Parce que le GIFF, c’est bien sûr des films et des séries, mais c’est aussi des expériences immersives. J’en ai donc fait un petit tour d’horizon pour vous. ll y en a évidemment plein d’autres à découvrir, mais je crois vous avoir trouvé un bel échantillon d’émotions.
J’ai bien sûr commencé par ce qui parlait le plus à mon âme de vieille dame bourgeoise: l’opéra.
L’œuvre de réalité virtuelle La Magie Opéra plonge le public pendant 45 minutes dans des scènes oniriques inspirées d’opéras légendaires.
Elle se vit en petit groupe. Chacun choisit son avatar, qui reproduit exactement ses gestes. Ça veut dire que tout ce que vous faites, les autres le voient.
Avis au couple avec lequel je suis tombée et qui n’a pas arrêté de se toucher et de se faire des bisous: sachez que je vous ai vus… Vos avatars étaient terriblement gênants…
Nous voilà dans le hall de l’Opéra Garnier. Escaliers en marbre et moulures: je suis conquise. Alors oui, graphiquement, on n’est pas dans la VR la plus révolutionnaire. C’est un peu l’univers des Sims version grand luxe. Mais l’expérience est d’une précision folle. Une cantatrice nous invite à la suivre, et nous voilà partis, à la queue leu leu, dans un parcours lyrique qui traverse trois opéras.
On plonge d’abord sous la mer pour découvrir Rusalka, la nymphe, en train d’interpréter son fameux Chant à la lune. Des algues ondulent, sa voix monte, on a l’impression d’être dans les entrailles d’une mélodie. Puis, en passant une porte, on se retrouve dans une villa romaine du début du XIXe siècle. Il fait nuit, le feu crépitant éclaire des peintures de maîtres. Depuis un balcon, on assiste à la scène de meurtre de l’opéra Tosca de Puccini. Enfin, le grand final. On termine sur la scène de Garnier pour Carmen. Les décors, les lumières, le chœur: tout y est.
J’ai ressenti, premier degré, un petit frisson de fierté au moment des applaudissements.
Après ce moment de gloire, j’avais besoin de redescendre un peu. Je suis allée du côté de deux œuvres qui parlent d’Histoire, de mémoire et d’exil.
The Island of Schells m’a emmenée à Taïwan, dans une sorte de théâtre d’ombres et de marionnettes magnifique. On y contrôle une petite marionnette, un jeune garçon, qui suit un oiseau multicolore à travers une île foisonnante en ramassant des coquillages. Sous ses airs de conte poétique et coloré, l’œuvre dévoile peu à peu une histoire bien plus sombre: celle d’un prisonnier politique pendant la Terreur blanche, dans les années 50. Une manière délicate de redonner voix à un pan de l’histoire encore trop méconnu en Occident.
Less than 5gr of Saffron, m’a transportée en Iran, dans les souvenirs d’une femme expatriée, qui revit les traumatismes de son pays via l’odeur du safran. 7 minutes à peine, mais suffisantes pour dire l’angoisse et la solitude des personnes immigrées, prisonnières de leurs drames passés.
Deux voyages intérieurs, à la fois intimes et très politiques.
J’ai ensuite eu droit à un peu de nature et de douceur, avec Empathy Creatures, une balade interactive féérique où il faut aider un petit oiseau trop chou en le nourrissant et en le caressant. Ici, pas vraiment de message politique. Plutôt une deuxième chance si tu avais laissé mourir ton tamagotchi en 1999.
Et puis, le choc écologique de Out of Nowhere. Changement d’ambiance. On commence devant la maquette d’un village autrichien paisible. Jusqu’à ce que la rivière déborde et inonde tout, ravageant ruelles et immeubles sur son passage. L’expérience s’inspire d’un événement bien réel, survenu en 2021. Il y a un moment vraiment angoissant, durant lequel on se retrouve piégé dans un appartement qui se remplit d’eau. Un appel urgent à cohabiter avec la nature plutôt que de vouloir la dompter.
Dernière étape de ma déambulation immersive: La maison de poupée, un univers en papier franchement bien pensé. On est dans une chambre d’enfant, avec des dessins au mur. Devant nous, une poupée. On peut la prendre dans nos mains, la secouer, la laisser tomber. Puis, une petite maison se forme. Au fil du récit, des pièces apparaissent. Mais ce n’est pas un simple jouet. C’est le lieu de vie de la narratrice, une fillette de 9 ans, et de sa famille. Un jour, une employée domestique s’installe chez eux. L’enfant observe, curieuse, cette nouvelle présence dans son quotidien. À travers ses yeux, on découvre avec naïveté les gestes durs et les humiliations dont font preuve ses parents. La maltraitance. La métaphore de la poupée avec laquelle on peut faire ce qu’on veut prend alors tout son sens.
Un vrai coup de cœur. Un rêve d’enfant que de voir sa maison de poupée prendre vie. Mais le fond reste profondément triste. Je n’ai pas pu terminer cette œuvre, pour ma plus grande tristesse, parce que mon casque a planté. C’est ça aussi, les aléas de la VR…
Mais ce n’est pas si grave, parce que j’ai jusqu’à dimanche pour la refaire!
Si, comme moi, vous n’avez pas le porte-monnaie pour vivre la grande vie que vous méritez et que vous cherchez un moyen de fuir la grisaille sans prendre l’avion, filez au GIFF. Honnêtement, je n’ai jamais voyagé aussi loin sans quitter Plainpalais.
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Chronique : Judith
Animation : Lionel
Réalisation : Marlon et Paulo
Crédit photo vignette : Flash Forward Entertainment, Digital Rise, Khora
Crédit photo fond : Wild Fang Films, Zazie Films
Première diffusion antenne : 4 novembre 2025
Publié le 6 novembre 2025
Un contenu à retrouver également sur l'application PlayPodcast

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