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CinemaÉcransLa Quotidienne

L’intérêt d’Adam : empathie et frustration du soignant

Johan | 7 octobre 2025

Après le feu d’artifice cinématographique du film de Paul Thomas Anderson la semaine dernière, une bataille après l’autre , on revient ce soir dans le film européen plus sobre et plus classique. C’est un peu le retour au quotidien après un weekend festif enchanteur. Mais ça a du bon, on retrouve son lit douillet , ses habitudes, et finalement un côté cosy rassurant …

Ce long métrage se déroule dans un lieu de vie dont on parle beaucoup ces dernières années : l’hôpital. Des dizaines de films ou de séries ont d’ailleurs traité ce sujet sous différents angles humoristiques, sociétal ou même thriller . On peut citer H, Hippocrate, et plus récemment En première ligne qui va représenter la Suisse aux Oscars ou encore la fracture de Catherine Corsini. Le film de ce soir – et ce n’est pas un mince exploit – arrive tout de même à tirer son épingle du jeu par son originalité . Mais j’ai cette intuition folle qu’il serait intéressant que je présente en premier lieu le film avant d’aller plus loin dans ma critique , non?

Alors le titre de ce film est l’intérêt d’Adam réalisée par la scénariste et réalisatrice belge Laura Wandel à qui l’on doit le long métrage Un Monde sorti en 2021 . Donc l’intérêt d’Adam c’est l’histoire d’… Adam, un enfant de 4 ans qui, suite à une décision de justice, est hospitalisé pour cause de malnutrition. L’infirmière – Lucie – jouée par Léa Drucker autorise la mère d’Adam – dénommée Rebecca – à rester avec lui pour le rassurer et l’aider à prendre ses repas. Mais Rebecca pense être la seule à pouvoir aider son enfant et n’a pas confiance dans l’hôpital quitte à mettre son enfant en danger… L’intérêt d’Adam pose ainsi le dilemme suivant : un proche, une mère en l’occurrence, sait-il toujours ce qui est bon pour son enfant ? Si ce n’est pas le cas, à partir de quel moment priver un patient de l’amour de son proche devient nécessaire?

Le thème du film n’est pas directement le manque de moyens de l’hôpital public que l’on peut ressentir dans nombre de pays d’Europe. Ce n’est pas un film pamphlétaire. Même si le sujet est subtilement abordé à travers les problématiques d’autres patients que Lucie va suivre : la question de la gestion des lits, de la récupération des infirmières. Non le véritable thème porte davantage sur la solitude du soignant et plus globalement sur une société ou on a du mal à s’écouter , à trouver des solutions ensemble.

Ainsi L’intérêt d’Adam questionne sur le rôle et la place du soignant dans un structure comme l’hôpital. Quelle est sa marge de manœuvre, jusqu’où peut-il aller pour aider à guérir un patient ? Le film suit Julie presque en temps réel sur une seule nuit et on va progressivement ressentir sa frustration face à un monde de normes et de procédures . Ces procédures, qui ont une utilité certes mais qui peuvent aussi conduire à une gestion froide, incohérente voire potentiellement nocive pour les patients. Typiquement, pour que la mère reste dormir avec Adam, une décision du juge est nécessaire mais celle -ci ne peut être rendue que plusieurs jours après… autant dire un vrai risque pour la guérison de l’enfant.

L’intérêt d’Adam nous montre que la quête perpétuelle d’efficience rend le système froid. Passer outre même pour de bonnes raisons nécessite une mise en danger de l’individu et des efforts constants qui pousse à bout les personnages. Au final la réalisatrice met le doigt sur une sensation très contemporaine des aidants : la sensation d’impuissance , de ne pas pleinement réaliser leur mission faute de dialogue, de concertation, ou de moyens – d’où la frustration ou la colère qui en découle.

Un mot sur la mise en scène du film. Celle-ci est sobre et efficace. Pour prendre une métaphore footballistique , c’est comme un bon arbitre, quand il est bon, on ne le remarque pas. C’est le cas ici. La tension est palpable, monte progressivement . Surtout L’intérêt d’Adam ne juge pas ses personnages, ce qui donne un sens dramatique et un vrai plaisir à voir le film. Car on s’interroge durant tout le film : de quel côté sommes-nous finalement ? pour l’infirmière emphatique, pour les services de l’état qui appliquent les procédures ou pour la mère aimante mais perdue. Comme le disait Renoir, Il y a quelque chose d’effroyable dans ce monde, c’est que tout le monde a ses raisons. Cette complexité fait tout le sel de l’intérêt d’Adam et le fait passer d’un long métrage qui pourrait être relativement lambda à un film prenant qui nous interroge sur la place et la nécessité de l’humain et de la responsabilité individuelle dans nos sociétés actuelles.


Chronique : Johan
 Animation : Lionel
 Réalisation : Théo, Chloé , Bryce, Leo
 Première diffusion antenne : 02 octobre 2025
 Crédit photos : Maxence Dedry

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Une publication de Johan


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