« La précarité concerne tous les métiers liés à la musique »
Entre recommandations tarifaires difficiles à appliquer, moyens limités des structures et évolution des modes d’écoute, les artistes romands cherchent un nouvel équilibre. Artistes, programmateurs et institutions tentent d’adapter leur modèle économique à une réalité où le streaming transforme les revenus et la diversité des acteurs complique l’harmonisation des pratiques.
«La précarité concerne tous les métiers liés à la musique, des programmateurs aux techniciens.» Pour Thomas Abbet, la situation ne touche pas seulement les artistes. Le musicien et chercheur à la Haute École de Musique de Lausanne a publié une étude1, couvrant la période 2011‑2023, elle montre un écart croissant entre les recommandations officielles et les pratiques réelles. Le manifeste récemment publié par les musiciens et musiciennes romands sur les réseaux sociaux a relancé le débat sur les conditions économiques du secteur musical. Derrière cette mobilisation, c’est l’ensemble de la filière, artistes, techniciens, programmateurs et festivals, qui doit concilier ambitions créatives et réalités financières. Les grilles tarifaires, destinées à encadrer les cachets et assurer une rémunération équitable, existent depuis plus de dix ans mais restent difficiles à appliquer. «Les salles de concert ou festivals ont souvent un manque de moyens pour les appliquer» ajoute Thomas Abbet.
Une pluralité d’acteurs
«Il reste beaucoup de travail pour mobiliser les acteurs et parvenir à un accord», explique Albane Schlechten, directrice de la Fondation Chanson et Musiques Actuelles (FCMA). La scène musicale romande regroupe festivals, salles indépendantes, labels, associations et fondations, ce qui rend difficile l’application d’une même grille tarifaire. Les grilles tarifaires, comme celles de SONAR ou de la FGMC, utilisent des critères différents : années d’expérience, formation ou reconnaissance par d’autres musiciens. «C’est un premier travail qui est déjà très complet, qui est assez brut. Maintenant il faut vraiment le travailler dans les détails pour mettre tout le monde d’accord», précise Albane Schlechten.
La FCMA accompagne aussi les artistes dans la recherche de nouvelles sources de revenus. Albane Schlechten souligne l’importance d’une réflexion globale : subventions publiques, plateformes de streaming et mécanismes de financement doivent être pris en compte. «La Suisse, en tant que petit pays, territoire d’exportation, doit booster son industrie musicale pour pouvoir développer ses projets», rappelle Albane Schlechten.
Vers un modèle plus durable
Pour Thomas Abbet, les politiques publiques doivent mieux soutenir les structures pour garantir des rémunérations justes. Mais la solution passe aussi par la diversification des revenus des artistes, le soutien aux labels et agences de booking, et un dialogue avec les plateformes de diffusion. « En France, il existe une taxe sur le streaming. En Suisse je ne sais pas si on y arrivera, mais il faut qu’on puisse associer les plateformes car elles font partie de notre modèle économique », souligne Albane Schlechten.
Le public joue aussi un rôle central. «Venir aux concerts, acheter de la musique, c’est un acte de soutien. Mais les prix doivent rester accessibles. Le but n’est pas de saigner le public et qu’il ne puisse plus venir écouter de la musique», rappelle Thomas Abbet. Le secteur musical romand fait face à un défi collectif: repenser son modèle économique pour que rémunération, financement des structures, diversité des acteurs et valorisation de la création puissent coexister de manière viable, tout en s’adaptant aux nouveaux modes d’écoute.
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Invités : Albane Schlechten, Thomas Abbet
Journaliste : Emma
Réalisation : Léonard Blanc
Première diffusion antenne : 25 septembre 2025
Rédaction et mise en ligne : Cynthia
Crédit photo : Lionel
1 Thomas Abbet, musicien est auteur d’un travail de recherche publié ce printemps pour la Haute École de Musique de Lausanne autour de l’évolution des cachets et l’impact des recommandations tarifaires dans la musique actuelle et le Jazz en Suisse Romande
2 Albane Schletchen est Directrice de la fondation chanson et musiques actuelles, la FCMA.
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